– […] La digital détox est le fait de se déconnecter des outils numériques, vous l'avez dit Pierre Haski, des smartphones, ordinateurs, réseaux sociaux et autres écrans pendant une durée déterminée. […] Les vacances d'été étaient une bonne occasion pour une telle cure de digital détox. Vous en avez profité Pierre Haski ?
– Pas du tout. Non, en fait, le problème de la digital détox ou de la diète numérique, c'est que…
– C'est plus facile à dire qu'à faire.
– C'est que c'est… et que c'est surtout, si ça dépend de la volonté individuelle des gens, c'est foutu. Parce que, on a constaté, toutes les études le prouvent : les gens ne sont pas capables, les individus, moi, vous, ne sont pas capables de le faire par eux-mêmes. Donc, il faut s'imposer des règles, des outils, voire même la loi. Parce que, peu de gens le savent, mais dans la loi travail, la loi de Myriam El Khomri, il y a le droit à la déconnexion.
– Par rapport à son entreprise.
– Par rapport à l'entreprise, dans le monde du travail. Et en particulier, ça sera désormais inclus dans les sujets de révision annuelle à l'intérieur des entreprises, dans les négociations entre les syndicats et les directions. Et c'est un sujet extrêmement important. On voit bien que, en Allemagne, par exemple, les téléphones, les smartphones des cadres de certaines entreprises parmi les plus grandes, comme Volkswagen, sont coupés après une certaine heure pour que, ils n'aient pas la tentation de répondre à leur supérieur, à 22 h, 23 h, etc.
– Donc, il y a la digital détox quotidienne, hebdomadaire ou annuelle avec les vacances d'été.
– Voilà. Donc ça c'est la partie professionnelle. La partie personnelle, elle est beaucoup plus complexe évidemment, parce que là nous sommes tiraillés entre ce désir de détox avec ce sentiment que, on passe trop de temps sur Facebook, sur les réseaux sociaux, etc. Et puis la tentation qui revient en permanence. Et je lisais, l'autre jour, dans l'article de Guy Medford dans M le magazine du Monde, qui était très drôle et qui racontait que, par exemple, les gens qui partaient sur le chemin de Compostelle, les gens pensent qu'ils partent comme des ermites sur… et il y a du wifi partout et les gens passent leur temps à poster leurs photos sur Instagram ou sur Facebook de leur marche sur le chemin de Compostelle. Donc il y a cette tentation permanente entre le désir de se déconnecter et la réalité qui nous pousse dans l'autre sens. Ce qui est intéressant c'est que, de plus en plus, il y a des offres : vous allez dans des hôtels où vous payez très cher et vous mettez votre smartphone dans un coffre pendant la durée de votre séjour. Il y a des centres de thalasso, par exemple, qui vous proposent massages, etc., et désintoxication numérique. […]
France Culture